Les conchyliculteurs de Bretagne Nord en sont fiers. Au fil des ans, leur engagement sur plusieurs projets leurs a permis de développer leur réseau de partenaires et leurs champs de compétence sur divers sujets.

Nous nous sommes entretenus avec le directeur du CRC Bretagne Nord, Benoit Salaun. Ce fut l’occasion de discuter de l’expertise du CRC Bretagne Nord sur la préservation de l’huître plate, des services écosystémiques générés par la conchyliculture, de l’enjeu de la qualité des eaux et de Wikimer.

 

Le saviez-vous ? Le CRC a des missions de gestion du quotidien et des missions plus générales. Il fonctionne comme une association avec une assemblée générale. Les élus le sont pour 4 ans. Ils décident des missions que l’équipe salariée mène au quotidien.

 

Quelle a été la raison pour le CRC de développer cette stratégie alliant expertise technique et intelligence collective ?

En Bretagne Nord, nous avons une particularité : nous n’avons pas de centre technique. Cela ne nous a pas freinés pour nous investir pleinement sur différents sujets comme celui sur la qualité des eaux. Aujourd’hui, nous sommes aptes à prendre des décisions grâce à nos projets.

 

Vous avez notamment travaillé sur plusieurs projets pour préserver l’huître plate…

Effectivement, l’huître plate est l’huître originelle en Europe (pour en savoir plus sur la production de l’huître). Actuellement, nous n’arrivons pas à l’élever hors des eaux profondes. Nous avons porté et participé à plusieurs projets la concernant.

Huître plate. © CRC Bretagne Nord

D’un point de vue microéconomique, les entreprises conchylicoles sont généralement dépendantes d’une seule espèce. Cette  monoculture tend à fragiliser la filière. Suite à plusieurs épisodes de mortalité sur l’huître plate en 2008, Mathieu Hussenot, salarié du CRC, a travaillé sur le sujet avec les projets PERLE, en lien avec le CRC Pays de la Loire, l’Ifremer, le CNRS, et le SMIDAP.

  • PERLE 1 a permis de montrer la faisabilité de la sélection des huîtres plates.
  • PERLE 2 s’est poursuivi et a permis la mise en place du centre technique conchylicole (en parallèle, FOREVER porté par le CRC Bretagne-Sud s’intéresse à la dimension écologique de l’huître plate). Le centre technique est un succès : il était au départ situé à Hanvec à proximité d’une zone de production en Rade de Brest, puis il a été déplacé à Lampaul-Plouarzel sur un site plus grand.

A ce jour, le CRC travaille sur le programme ARCHE, financé par le FEAMP, sur la reproduction de l’huître plate.

Nous travaillons également avec AWI, un institut de recherche allemand, sur un projet de coopération financé par le DLAL Pays de Brest. Ses objectifs sont :

  • de réaliser des échanges de familles d’huîtres plates avec une île de la Mer du Nord impliquant le respect de certaines précautions sanitaires,
  • d’améliorer les techniques de production d’écloserie en lien avec d’autres projets comme PAQMAN. PAQMAN est mené avec l’UBO. L’objectif est de minimiser le développement de bactéries inertes ou bénéfiques pour améliorer les conditions de production et de travail des salariés au centre technique. Or dans une écloserie, le temps de nettoyage est conséquent, quasiment tous les jours. Si nous arrivons à diminuer ce temps sans augmenter les risques sanitaires, ce serait un atout pour la pérennisation des écloseries.

Vous avez également réalisé une étude sur les services écosystémiques générés par la conchyliculture. Pouvez-vous m’en dire plus ?

Oui, avec le projet ECOSYSTEMIE qui s’est achevé en décembre 2019.  Il est vrai que l’activité a un impact mais la conchyliculture est extensive et il n’y a aucun intrant, ni exploitation de l’environnement en tant que tel. Cela ne facilite pas la communication pour autant comme ce fut le cas pour le projet de filières à Cancale, à cause de fausses informations concernant l’impact de la conchyliculture sur l’environnement qui circulaient.

écosystémie crc bretagne nord
Synthèse du projet Ecosystémie (disponible en HD ici). ©CRC Bretagne Nord

Le projet ECASA mené par l’IFREMER avait pour objectif de rassembler les études montrant les effets positifs de la filière sur l’environnement. Cela a pris un peu plus d’un an pour faire un état des lieux. La filière génère principalement des services de support en lien avec l’azote, la clarification de l’eau, et l’atténuation de l’eutrophisation. La conchyliculture constitue aussi un bien culturel.

La volonté de renforcer les effets positifs de la filière est présente. Par exemple, le Conseil Régional de Bretagne travaille sur la filière de valorisation des coquilles et l’immersion des coquilles vides dans les gisements d’huîtres plates pour que ces dernières puissent s’y développer.

La qualité des eaux est un sujet important pour la conchyliculture…

Effectivement, la qualité des eaux en Bretagne est au centre des débats depuis de nombreuses années. La rade de Brest ressort comme particulièrement à enjeux du fait de son écosystème très riche. Du maërl, une algue calcaire à la croissance lente abritant de nombreuses espèces, y est présent.

Mais, il y a aussi 3 espèces de phycotoxines. Les phycotoxines sont produites par le phytoplancton (plancton végétal) qui nourrit les coquillages. Lorsque les phycotoxines sont présentes, les coquillages sont inaptes à la consommation alimentaire. Leur présence est donc surveillée par la DDPP et par le réseau de suivi scientifique REPHYTOX.

La zone de production conchylicole est classée comme de mauvaise qualité. Les conchyliculteurs investissent donc dans des systèmes de purification. Ces systèmes sont des investissements lourds et longs à mettre en place. Ils restent néanmoins  nécessaires pour dépolluer le milieu.

Un bassin de purification ©CRC Bretagne Nord

De manière générale, l’agriculture ainsi que l’assainissement collectif et non collectif sont des axes de travail pour améliorer la qualité des eaux. Aujourd’hui, il y a de nombreux incidents liés à l’assainissement non collectif. C’est donc une priorité mais cela reste complexe à traiter car :

  • les mises en demeure sont associées à des pénalités peu élevées,
  • le réseau ancien, où les eaux pluviales et les eaux de l’assainissement sont mélangées, correspond à un linéaire important.

Il existe deux solutions, toutes les deux très coûteuses :

  • Séparer le réseau des eaux pluviales de celui de l’assainissement.
  • Construire des stations d’épuration dans certains cas en choisissant le mode de traitement adéquat.

Vous êtes impliqués dans la démarche Wikimer. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les raisons ?

La communication est importante. Nous l’intégrons à nos projets en cours à travers des réunions et des lettres d’information. Wikimer est complémentaire à cette démarche interne et répond à 3 problématiques :

  • Nous oublions les projets passés. Il est important de montrer ce que l’on sait faire et de disposer d’un centre pour tout référencer, d’autant plus que les projets du CRC sont financés par les fonds publics : la vocation de ces projets est donc de rendre public leurs résultats.
  • La communication est un métier qui demande du temps.
  • Il manquait une communication plus large avec les autres acteurs travaillant pour la pêche et la conchyliculture.

Il était pertinent de créer Wikimer à l’échelle de l’Aglia pour intégrer ces problématiques. Le défi est aujourd’hui d’augmenter l’audience du site. Ce sera un travail sur le long terme.