La flottille chalutière méditerranéenne française continentale se compose de 59 navires de 18 à 25 m opérant principalement dans le golfe du Lion (GSA 7). Cette flottille est encadrée par de nombreux règlements qui contingentent leur nombre, introduisent des fermetures […]

Thématique : Gouvernance et outils de gestion, Innovation, Techniques de pêche ou de cultures marines, Valorisation des produits, commercialisation | Localisation : Méditerranée | Filière : Pêche

Contexte

La flottille chalutière méditerranéenne française continentale se compose de 59 navires de 18 à 25 m opérant principalement dans le golfe du Lion (GSA 7). Cette flottille est encadrée par de nombreux règlements qui contingentent leur nombre, introduisent des fermetures de zones de pêche temporaires ou annuelles et définissent un plafond d’effort de pêche parmi d’autres mesures. Les 2 stocks d’espèces qui font office d’indicateurs de l’état de la ressource pour les pêcheries démersales en GSA 7 sont en mauvais état selon les avis scientifiques. Afin de tenter d’inverser cette tendance, la France a mis en place un plan de gestion national encadrant la pratique du chalut. A ce plan de gestion national, succède en 2017-2018 des mesures de gestion transitoires. A l’horizon 2020, c’est un plan de gestion régional européen qui devrait entrer en vigueur pour encadrer les pêcheries ciblant les espèces démersales en Méditerranée occidentale. Ce plan de gestion à venir suscite beaucoup d’inquiétude chez les professionnels que nous représentons puisque le plafond d’effort de pêche instauré en 2013 s’est déjà vu diminué de 10% en 2017, les contraignant à ne sortir au maximum que 200 jours/an. Leur crainte principale est de voir ce plafond d’effort diminuer davantage dans les années à venir car cela représente des pertes nettes. Cette crainte est partagée par les structures de commercialisation qui redoutent de voir diminuer largement leurs apports.

 

Objectifs

Evaluer l’impact d’une diminution du quota d’effort de pêche des navires sur la flottille chalutière méditerranéenne et l’ensemble de la filière pêche qui en dépend (branches aval et portuaire)

Déterminer sous quel seuil de jours de mer la viabilité des navires serait compromise et

Etudier les alternatives de gestion ou d’exploitation des navires qui seraient compatibles avec une pérennisation de l’activité des chalutiers, nécessaire au maintien de la filière.

Actions

Le projet GEPAC MED a débuté le 1er juillet 2017. Il se découpe en 3 phases de travail :

  • 1ère phase : Caractérisation du poids socio-économique de la filière pêche associée à la flottille chalutière méditerranéenne ;
  • 2nde phase : Evaluation des conséquences de la réduction du nombre de jours de mer pour la filière ;
  • 3ème Phase : Etude d’alternatives de gestion.

Trois branches sont considérées dans le diagnostic socio-économique et dans les scénarios d’impacts : la branche armement, la branche des fournisseurs de biens et services, et la branche distribution correspondant au maillon de mise sur le marché (1ère vente). L’étude est menée par la Cellule Mer pendant 6 mois.

Le diagnostic socio-économique réalisé dans la 1ère phase de l’étude a servi de situation de référence pour l’analyse des scénarios. 3 scénarios de réduction des jours de mer ont été définis par les membres du comité de pilotage du projet et ont été étudié dans la 2nde phase du projet visant à quantifier les pertes économiques liées à la réduction des jours :

  • Une réduction de 3%, correspondant à 193 jours par navire ;
  • Une réduction de 6%, correspondant à 187 jours par navire ;
  • Une réduction de 9%, correspondant à 181 jours par navire.

2 comités de pilotage se sont réunis (le 08/08/17 à Agde et le 29/01/18 au Grau du Roi), 1 réunion technique entre l’AMOP et la cellule mer s’est également tenue le 18/12/17 à Sète. 3 réunions de restitution aux pêcheurs ont été organisées. Lors de la réunion de restitution du projet qui a eu lieu le 29/01/18, une demande d’allongement de la période d’éligibilité des dépenses du projet a été formulée auprès de FFP afin de pouvoir valoriser au mieux les résultats. La prolongation de la période de la convention nous a permis de réaliser la plaquette synthétique des résultats du projet auprès d’un graphiste. Cette plaquette a été traduite en anglais et imprimée en 500 exemplaires, envoyés aux élus, partenaires et décisionnaires et distribués aux pêcheurs, coopératives et criées. 2 roll-ups ont également été réalisé, ils permettront de mettre en avant la flottille et les résultats du projet lors d’évènements sur la pêche auxquels l’AMOP pourrait participer. Le site internet de l’AMOP et les réseaux sociaux ont été mis à jour avec ces éléments.

Résultats

Diagnostic socio-économique de la flottille

A partir des données de production (données fournies par les OPs) et économiques (DCF, INSEE), la cellule mer a produit un diagnostic socio-économique de la flottille chalutière méditerranéenne française.

Le chalutier moyen méditerranéen embarque à son bord 4.3 équivalents temps plein (ETP), il mesure 22.72m et son âge moyen est de 27 ans. Les principaux postes de dépenses d’un chalutier correspondent au carburant (39%), aux salaires et charges sociales (31%) et aux coûts fixes d’exploitation (16%). L’EBE d’un chalutier moyen est de 73.000 € environ. L’activité chalutière en Méditerranée française génère un chiffre d’affaires de 96 millions d’€, soit une richesse créée de 37.3 millions d’€, qui se réparti entre les 3 branches à hauteur de 49% pour les armements, 25% pour la distribution et 26% pour les fournisseurs de biens et services. En termes d’emplois, on estime le nombre d’ETP financés par la flottille à 750 emplois en mer et à terre. Le PIB par emploi est estimé à 89.4 K€, ce qui révèle une activité dont le poids économique n’est pas négligeable et structurant pour le territoire.

Impact de la réduction du nombre de jours de mer pour l’ensemble de la filière – seuil limite de jours de mer

Dans un premier temps la cellule mer a quantifié la perte de chiffre d’affaires (CA) liée aux 3 scénarios de réduction de l’effort de pêche. Il apparait que les pertes de CA des armements et du salaire moyen seraient proportionnelles (en %) à la réduction des jours de mer. La richesse créée et l’EBE baisseraient relativement plus. Au total, une diminution de 9% des jours octroyés aux chalutiers entraînerait des pertes de l’ordre du 3.3 millions d’€ pour les 3 branches étudiées.

Grâce à l’estimation du montant moyen des annuités d’emprunts de la flottille, la cellule mer a ensuite déterminé sous quel seuil de jours de mer la flottille ne pourrait plus faire face à ses engagements financiers. Les résultats montrent qu’à 199 jours de mer, la situation d’un armement moyen est favorable, l’entreprise fait face à ses engagements financiers et génère des réserves. A 177 jours, la situation est équilibrée mais risquée. A 155 jours, le chiffre d’affaires ne permet plus de compenser les frais inhérents à la gestion de l’armement et les crédits.

L’analyse confirme qu’une réduction trop importante du plafond de jours de mer pourrait avoir des répercussions économiques importantes pour les équipages et la filière. Pour assurer la pérennisation de l’activité, il ne faudrait pas que la réduction opérée conduise à un quota d’effort de pêche de moins de 177 jours par navire en moyenne. Par ailleurs, la fluctuation du prix du carburant est une variable importante à considérer. Une augmentation du prix du carburant conduirait à une sous-estimation des seuils de rentabilité. Pour rester rentable, les navires auraient besoin de travailler un nombre de jours plus important.

Etude d’alternatives de gestion

Les alternatives de gestion étudiées se sont limitées à la réduction du nombre de navires (correspondant à un plan de sortie de flotte) et à l’étude de la période où il semble le plus opportun « d’économiser » des jours de mer, parce que les prix moyens sont inférieurs à la moyenne annuelle par exemple. Ce second point pourrait permettre à la flottille de se positionner pour une période de repos biologique. Il apparait concernant la première alternative testée que l’impact d’une réduction du nombre de navires de 3 à 9% a globalement les mêmes effets négatifs que les scénarios de réduction d’effort de pêche en termes de CA et de richesse créée pour les 3 branches. Les emplois sont définitivement perdus mais le pouvoir d’achat des marins qui sont en activité peut rester inchangé. Pour ce qui est de l’étude de la saisonnalité des prix moyen, afin d’optimiser la consommation de ses jours de mer, il semblerait qu’il soit préférable de sortir en mer en août-septembre plutôt qu’en mars ou juin car les journées seraient « moins rentables » sur ces 2 mois.

Le projet GEPAC-MED nous a permis d’obtenir des éléments chiffrés concernant le poids économique de la flottille chalutière et son importance pour le territoire. Les résultats du projet nous permettent d’étoffer notre argumentaire concernant la réduction de l’effort de pêche de la flottille préconisée dans la proposition de plan de gestion pour la Méditerranée Occidentale. Les plaquettes synthétisant les résultats du projet seront transmises aux députés desquels nous nous rapprocherons dans le cadre des échanges sur le sujet.

Deux points sont identifiés comme très préoccupants dans la proposition de plan de gestion émanant de la Commission : d’une part la réduction « substantielle » de l’effort de pêche dès la première année d’application du règlement, et d’autre part la fermeture durant les 3 mois de la saison estivale des bathymétries comprises entre 0 et 100m de profondeur.

Cette seconde disposition mériterait que l’on s’attache à étudier les possibilités de report de l’activité chalutière plus au large par rapport à l’activité actuelle de nos navires.