Facteurs abiotiques contrôlant l’apparition de mucilages marins
Les conditions hydro-climatiques atypiques rencontrées lors de la période d’étude n’ont pas permis d’établir de liens clairs entre conditions hydro-climatiques, structuration des masses d’eau et présence de mucilages. Toutefois, des corrélations sont clairement établies entre les précurseurs des mucilages que sont les particules exopolymériques transparentes (TEP) et les substances exopolymériques solubles (EPS). En effet, les TEP sont positivement corrélées au débit de l’Adour et les EPS à la présence d’une thermocline et à la température de l’air. A l’inverse, les EPS sont négativement corrélées à la houle.
Sur la période d’étude, l’apparition de mucilages est essentiellement conditionnée par sels nutritifs (Azote, Silice, Phosphates) apportés par l’Adour et nécessaires à la photosynthèse. En effet, les périodes d’apparition de liga sont précédées de périodes d’augmentation des concentrations en sels nutritifs qui témoignent d’apports terrestres. Ceci se traduit par une augmentation de la biomasse phytoplanctonique (Chlorophylle a). Toutefois, le liga apparait lorsque les concentrations en phosphate baissent et le ratio d’azote sur phosphate (N/P) augmente. Ce dernier traduit un déséquilibre de l’écosystème et un stress nutritif probable conduisant à une limitation de la production primaire.
Processus biologiques impliqués dans l’apparition des mucilages marins
Les périodes de liga sont précédées de période d’augmentation de la production primaire ce qui conforte les résultats de chlorophylle. Toutefois, les expérimentations d’enrichissements en sels nutritifs démontrent que l’apparition de liga correspond à une limitation de la production primaire essentiellement par les phosphates. En réponse à ce stress nutritif, certains organismes photosynthétiques peuvent sécréter des EPS. Dans ces périodes de stress nutritif lié à des carences en phosphates, nous constatons une augmentation de la concentration en EPS qui, en général, précède l’augmentation des TEP. En effet, en période de stabilité météorologique et océanographique, les EPS peuvent s’agréger en TEP dans la couche superficielle.
Diversité biologique impliquée dans les mucilages marins
Au niveau de la diversité biologique, la présence de liga dans la colonne d’eau est associée à la présence d’une grande variété d’organismes divers comme les virus, les bactéries, les cyanobactéries, le phytoplancton (pico à micro), le zooplancton (Nano à Méso). Toutefois, l’apparition de liga est essentiellement liée à l’augmentation d’abondance du micro-phytoplancton et plus spécifiquement les diatomées. Sur les périodes de pic de liga, les espèces de diatomées dominantes varient. Il s’agit de Leptocylindrus danicus en juin 2013, de Pseudo-Nitzschia groupe B2 en octobre 2013 et de Thalassiosira gravida en mars 2014. Elles présentent toutes la particularité de vivre en colonies, d’être référencées dans les mucilages apparues dans d’autres zones du monde et connues pour sécréter des EPS en situation de stress nutritif. D’une façon plus générale, sur les pics de liga, les diatomées coloniales représentent 81 à 95 % de l’abondance totale du microphytoplancton, les diatomées qui blooment de 89 à 98 %, les diatomées référencées dans les mucilages de 95 à 99 % et les diatomées sécrétrices d’EPS 85 à 97 %.
Dans une moindre mesure, d’autres groupes d’organismes sont corrélés à la présence de mucilage. Il s’agit des chlorophycées et prymnésiophycées (Phytoplancton), les cyanobactéries et les groupes zooplanctoniques des nanociliés, des appendiculaires et des cnidaires (=méduses).
Rôle du changement local dans l’augmentation d’apparition des mucilages marins
L’analyse de séries chronologiques historiques ont permis de mettre en évidence de nombreux changements climatiques, hydrologiques et biogéochimiques à l’échelle locale. En effet, le changement climatique est essentiellement lié à un réchauffement local des températures, une diminution de la vitesse des vents et un renforcement des vents d’ONO et NNO qui orientent le panache de l’Adour préférentiellement vers le sud, contre la côte basque. Le réchauffement se traduit par une augmentation de la température des eaux de surface. La baisse des vents se traduit par une diminution de la houle.
Par ailleurs, les débits de l’Adour diminuent ce qui a pour conséquence une augmentation de la salinité des eaux côtières. D’autre part, les concentrations en phosphate de l’Adour diminuent alors que les concentrations en azote restent stables ce qui se traduit par une augmentation du ratio N/P des eaux de l’Adour. Cette évolution se traduit en zone côtière par une diminution des stocks de phosphates des eaux de surface et une diminution de la biomasse phytoplanctonique. A l’inverse, les apports d’effluents traités de station d’épuration augmentent en zone côtière. Tandis que leur charge en phosphore total diminue drastiquement, leur charge en azote restent stables ce qui contribue à l’augmentation du ratio N/P de ces effluents.
L’évolution hydro-climatique locale a modifié le milieu physique et biogéochimique côtier ce qui a très certainement contribué à l’augmentation de fréquence et du temps de résidence des mucilages constatée par les marins pêcheurs de la côte basco-landaise depuis le début des années 2000.