Les écosystèmes côtiers et estuariens sont extrêmement riches d’un point de vue biologique et écologique et abritent des habitats essentiels au maintien et au renouvellement des ressources marines d’intérêt halieutique. Parmi les altérations subies par ces écosystèmes, les proliférations de macroalgues opportunistes sont l’un des signes les plus visibles de l’eutrophisation des secteurs côtiers et estuariens dans plusieurs régions du monde, et particulièrement dans le nord-ouest de la France. Les processus à l’origine de ces proliférations sont relativement bien identifiés tandis que leurs conséquences écologiques – notamment sur l’ichtyofaune – restent mal connues et peu étudiées.
Contexte
Objectifs
L’objectif de cette thèse est de caractériser les effets des marées vertes sur la fonction d’habitat halieutique essentiel au renouvellement de l’ichtyofaune des zones côtières et estuariennes par une approche multi-échelle.
Actions
Dans une première partie, les conséquences des marées vertes sur l’ichtyofaune ont été examinées à l’échelle de la communauté. Pour cette approche, un suivi de type BACI (Before-After Control-Impact) a été réalisé dans les deux types de systèmes intertidaux affectés par les marées vertes, les estrans sableux et les vasières estuariennes.
Dans une seconde partie, les processus par lesquels cette perturbation affecte l’ichtyofaune ont été examinés par une approche à l’échelle de l’individu. Dans une nourricerie côtière de type estran sableux, cette étude s’est intéressée aux réponses des juvéniles à traverse la sélection de l’habitat et la comparaison des performances physiologiques des individus dans un site contrôle et un site impacté. Les réponses de juvéniles de trois espèces de poisson appartenant à des guildes de distribution verticale différentes ont été considérées : le sprat (pélagique), le bar (démersal) et la plie (benthique).
Résultats
Nos résultats mettent en avant la similarité des communautés ichtyologiques entre le site contrôle et le site impacté avant les marées vertes, puis des divergences à partir du développement des macroalgues. Les réponses des communautés ichtyologiques face à ces proliférations sont modulées en fonction de la composition, de la densité et de la durée des blooms d’algues vertes. A de faibles densités et/ou pendant une courte période, les marées vertes n’affectent pas les communautés ichtyologiques. En revanche, à des densités importantes et/ou pendant une longue période, ces proliférations entrainent une diminution de la diversité et de la densité de l’ichtyofaune. La composition de la communauté s‘en trouve affectée, avec un impact initial sur les poissons benthiques qui s’étend ensuite à l’ensemble de l’ichtyofaune jusqu’à la disparition locale de poissons pour des proliférations algales fortes.
Par ailleurs, la perturbation de l’habitat de l’ichtyofaune entraine une augmentation instantanée de la capacité de défense antioxidante des individus, puis des réponses physiologiques sont mises en œuvre ; elles se traduisent par une réduction de la croissance et des réserves lipidiques des juvéniles. Si la perturbation s’intensifie, l’espèce finit par disparaitre localement du site affecté. En fonction des guildes, ces réponses sont mises en œuvre à partir d’intensités différentes de la perturbation, soulignant un gradient de sensibilité des espèces aux marées vertes, des espèces benthiques aux espèces démersales et pélagiques.
Au travers de ces deux approches, un impact des marées vertes sur la qualité des habitats essentiels au renouvellement des ressources d’intérêt halieutique a donc été mis en évidence, avec des conséquences modulées en fonction des caractéristiques des guildes fonctionnelles ainsi que de l’intensité et de la nature des blooms de macroalgues.