La pêche au thon rouge à la palangre en Méditerranée française est une activité récente qui se développe depuis 2010. En 2018, environ 85 navires palangriers ciblent le thon rouge dans le golfe du Lion, d’avril à décembre, avec un […]

Thématique : Espèces pêchées ou élevées, stocks, Innovation, Techniques de pêche ou de cultures marines | Localisation : Méditerranée | Filière : Pêche

Contexte

La pêche au thon rouge à la palangre en Méditerranée française est une activité récente qui se développe depuis 2010. En 2018, environ 85 navires palangriers ciblent le thon rouge dans le golfe du Lion, d’avril à décembre, avec un quota de 427 tonnes en Méditerranée française. L’AMOP regroupe 65 navires ciblant le thon rouge à l’hameçon.

Or, la palangre pélagique a été identifiée comme une technique de pêche source de prises accessoires significatives, aussi bien de poissons ciblés de petite taille, que d’espèces sensibles faisant l’objet de mesures de conservation. Le projet SELPAL (Sélectivité de la palangre au Thon rouge) a ainsi été conçu afin de répondre aux recommandations des instances internationales, pour renforcer les connaissances sur ces captures accidentelles, tout en réduisant leur capturabilité. Il s’agit une approche multi-taxons (requins, raies, tortues marines, oiseaux marins), impliquant une collaboration entre l’AMOP, les scientifiques et les professionnels de la pêcherie.

Objectifs

Quantifier l’impact de la pêcherie palangrière ciblant le Thon Rouge sur les espèces sensibles

Tester des mesures pour augmenter la sélectivité de la pêcherie

Atténuer les impacts de la pêcherie sur les espèces sensibles dans le Golfe du Lion

Actions

Des actions de collaborations entre pêcheurs professionnels et scientifiques ont été réalisées sur une période de quatre ans (2014-2017), au travers d’enregistrements des activités de pêche, d’opérations de marquages des espèces sensibles, d’analyse de données, de test in situ de mesures de mitigation des captures accessoires et de la mise en œuvre d’outil d’information et de sensibilisation aux bonnes pratiques pour la profession.

Résultats

L’étude de la pêcherie et de ses captures accessoires a permis d’identifier une prédominance des raies pastenagues violettes dans les captures en juillet et en août. Cette espèce représente 53% des captures en nombre, mais uniquement 14% des captures en volume. Le thon rouge représente 37% des captures en nombre (76 % en volume), le requin peau bleue et l’espadon représentent respectivement 6% et 4% des captures en nombre.

La sélectivité des engins de pêche déployés en surface repose sur la taille des hameçons et des appâts utilisés, ainsi que sur l’utilisation d’un bas de ligne en nylon. Ainsi, les cas de décrochement et de cassure de l’hameçon et de la ligne sont fréquents et peu d’individus de requins de grande taille sont capturés. Les taux de mortalité directe des raies et requins peau bleue sont négligeables (respectivement 2 et 6%), et le taux de mortalité du requin peau bleue après libération semble également peu élevé (inférieur à 25%).

Dans le cadre du projet, 81 animaux ont été équipés de marques (44 requins peau bleue, 24 raies pastenagues violettes, 6 espadons et 7 tortues marines). Ces marquages ont permis de caractériser les mouvements de nage du requin peau bleue : cette espèce passe 20% de son temps en surface, 80% entre 0 et 50 m, mais peut également évoluer jusqu’à 1 000m de profondeur. Les requins se déplacent sans cesse sur le pourtour méditerranéen, couvrent des distances importantes dans les zones exploitées par la pêcherie, et peuvent venir sur le plateau continental en fin de printemps et durant l’été, notamment dans le Golfe du Lion. Aucun individu marqué n’a quitté la Méditerranée Occidentale.

Les analyses génétiques ont détecté des signaux de goulots d’étranglement et une homogénéité génétique quasi complète chez la population étudiée.

La raie pastenague pourrait supporter de grands écarts thermiques (3 à 12°C en 24h), et traverser aisément la thermocline pour évoluer dans les eaux froides et sombres, jusqu’à 480 m de profondeur.

Chez les tortues caouannes, une possibilité de dormance sur la côte française a été identifiée. Les données télémétriques sont en cours d’analyse, afin d’identifier les mécanismes influençant la distribution spatiale des individus, et de déterminer des zones d’habitats potentiels.

Peu d’informations ont été recueillies sur les prises accessoires d’oiseaux de mer, mais des essais seront réalisés dans le cadre du projet ECHOSEA-KIT.

Les résultats du projet SELPAL ont marqué une avancée significative dans la compréhension du du comportement des espèces sensibles ; cette meilleure compréhension est indispensable pour favoriser l’évitement de ces captures accidentelles dans le cadre de l’activité de pêche palngrière. Afin de limiter l’impact sur les espèces accessoires, plusieurs outils (dégorgeoirs, pistolets et lignes d’effarouchement) ont été proposés à l’essai aux professionnels. Un « Guide des Bonnes Pratiques » a été réalisé et leur a été distribué, afin d’illustrer les bons gestes à adopter pour se protéger, et préserver le milieu et les espèces sensibles. L’application ECHOSEA a été développée pour permettre d’enregistrer les observations et les captures accessoires. Enfin, un ensemble d’actions de communications ont été menées : site internet, affiches, newsletters, réseaux sociaux, séminaire, …

Ce projet a permis d’identifier des solutions pour réduire l’impact de la pêcherie sur les raies pastenagues et sur les requins : filage de nuit, utilisation d’hameçons circulaires, acquisition de matériel adapté à la libération des prises accessoires, enregistrement fidèle de ces captures… Ces outils et mesures ne seront efficaces que si utilisés à bon escient et de façon systématique.

L’implication des professionnels pour l’appropriation de ces outils et leur amélioration est une grande nécessité. Les mesures de gestion proposées devront aussi être adoptées à échelle internationale, afin de prendre en compte le caractère migratoire des espèces sensibles. La couverture pérenne et globale ainsi que le suivi des données de captures accessoires est une obligation pour les pêcheries qui souhaitent obtenir une accréditation de pêche responsable et durable. Enfin, il est nécessaire de suivre les avancées méthodologiques, spécialement en termes de développement de mesures d’atténuation et de veille technologique, afin de pérenniser les démarches de réduction d’impact de la pêcherie sur les espèces accessoires sensibles.